"A Room for Abstractions" se compose de trois éléments en dialogue avec ma recherche théorique intitulée "En eaux troubles" qui explore les tactiques de résistance que certain·e·x·s artistes, faisant partie de divers groupes minoritaires, mettent en place afin de défier l’instrumentalisation et la récupération capitaliste de leurs pratiques, en particulier par les institutions culturelles. Appuyéex par mes propres expériences, cette recherche s’inspire d’artistes et théoricien·ne·x·s tel·le·x·s que Tina Campt et ses notions d'hapticity et adjacency, Édouard Glissant avec sa pensée de l’opacité, ou encore les pratiques de désidentifications explorées par José Esteban Muñoz et Vaginal Davis, en passant par les fictions au temps non-linéaires de Toyin Ojih Odutola. Souhaitant investir un terme sans m’approprier ceux ayant des ancrages historiques et sociaux bien spécifiques, j'ai choisi de revisiter une notion pouvant accueillir mes réflexions concernant les questions queer : l’abstraction. Ici, cette dernière ne s’entend pas de manière traditionnelle mais prend forme dans les dynamiques relationnelles entre les artistes, leurs pratiques et les institutions. Elle devient une manière d’entrer en relation qui refuse la facilité, cherchant à investir des modalités complexifiées, épaisses, laborieuses, détournées. Initialement photographique, ma pratique souhaite questionner l’économie représentationnelle des corps dits queer tout en interrogeant les processus de catégorisation, d’objectification ou encore de romantisation de certaines vies précarisées, propres aux approches documentaires traditionnelles. Par la disparition des corps photographiés, l’appropriation de vidéos pornographiques mainstream gays cisgenres transformées en rideaux de douche et la représentation de la figure d’un alpiniste conquérant n’ayant que trop peu de hype dans la course à la « diversité », ce travail souhaite expérimenter de nouvelles fréquences esthétiques et relationnelles.